lundi 22 novembre 2010

La fête





Il n’y a rien de plus difficile lorsqu’on est une célibataire que de se retrouver au beau milieu d’une soirée dont les invités sont composés à 90% de couples. Et encore pire lorsque sur les 10% restant, vous êtes 5% et les autres 5% sont Laure, la lesbienne au regard louche et au sourire menaçant qui vous prend pour son casse-croûte du soir.

Ayant ambitionné de devenir un couple, c’était avec plaisir que j’acceptai l’invitation de Carla. Elle m’avait parlé d’une petite fête cosy, avec deux, trois personnes que je connaissais. Il faut savoir que lorsque mon amie Carla, une petite blonde pétillante, un tantinet superficielle et complètement nymphomane me parle d’une fête cosy, on peut s’attendre à croiser des couples d’inconnus se lécher le visage si ce n’est plus dans tous les recoins de l’appartement et à assister à des scènes affligeantes de biture gratuite au milieu du salon. Ce n’est pas vraiment mon idée de la soirée réussie, mais quand on arrive à garder les pieds sur terre, le système respiratoire hermétique à la marijuana et à partir relativement tôt sous-prétexte de travail le lendemain, on s’en sort plutôt bien. Et puis je n’avais pas vue Carla depuis ma première année d’étude, du moins pas en soirée alors au bout de cinq ans, je supposai qu’elle avait ralentit son rythme effréné de lycéenne dévergondée. Je ne savais pas à quel point j’avais raison avant de sonner à la porte de son appartement vêtue d’une robe en paillettes jaune et d’une perruque afro noire.
Carla ouvre la porte, elle aussi déguisée, toujours le même sourire réjouit à l’idée de danser jusqu’au bout de la nuit. Elle me fait entrer, me débarrasse du champagne que j’avais apporté, de mon manteau, de mon sac avant de retourner dans la cuisine préparer des toasts non sans un mot d’excuse.

Un peu anesthésiée par le froid extérieur, j’attends une minute immobile, scrutant le petit appartement à la recherche d’un visage familier.  C’est finalement un homme un peu plus vieux que moi avec une fausse moustache et un pantalon drôlement serré qui s’avance.
« Salut, je suis Fabien! » me dit-il en tendant sa joue, je l’embrasse comme si c’était un vieux copain, un peu forcée je dois dire mais ravie qu’un garçon prenne la peine de me remarquer.
« Tu dois être Val, Carla m’a beaucoup parlé de toi. »
Evidemment je sens un large sourire se dessiner sur mon visage, peut être que ce ne sera pas si difficile que ça de devenir un couple, après tout, si les copines me donnent un coup de main…
« Je suis le petit-ami de Carla! » ajoute-t-il guilleret.
Evidemment, elle m’en avait parlé de celui-ci, seulement tout ce que je savais de lui c’était qu’elle le trouvait beau comme un Dieu et maintenant que je sais qu’il n’est pas célibataire, je le trouve nettement moins attirant.

Remise de ma première déception de la soirée, je me promet de refouler mon cœur d’artichaut histoire de me concentrer sur les vraies proies disponibles. Fabien me prend d’ailleurs par le bras et m’engage dans la foule déjà dansant un verre par main pour me présenter tout le monde. La pièce étant assez petite, je regrette le peu d’air que j’avais dans l’entrée. Les visages défilent, je ne retiens quasiment aucun nom en revanche, je remarque que tous se présentent par paire.

« Hey, Valentinéa! tu veux un verre?  Je suis super heureuse de voir que tu es là, viens, je suis avec Nico, le mec là-bas avec une veste en paillettes rouges. »
Pas le temps de dire oui ou non que je me retrouve avec un mojito dans la main tandis que Lucile me traîne vers son copain pour me le présenter. Fabien nous abandonne et je fais donc la connaissance de Nicolas, un homme bien sous tout rapport qui semble fou de Lucile. Cette fille en question, elle étudiait avec Carla. Je l’ai rencontrée lors d’une de ces fameuses soirée, à l’époque où nous nous fichions du futur et ne pensions qu’à nous amuser.
Bien sûr il y a de la musique, des saladiers de cocktails sur la table et tout un tas de gens souriant déguisé de façon ridicule, mais quelque chose me fait croire que la soirée n’aura rien de vraiment rock’n’roll.
Un nouveau couple vient se joindre à notre conversation, deux nouvelles têtes connues. Je pousse un soupir de soulagement à l’idée de ne pas avoir à faire tapisserie. Ils sont heureux de me revoir, me demandent se que je deviens, je réponds.
« Ah, mais c’est vraiment intéressant, et ça doit te demander de l’investissement! »
De l’investissement? Est-ce que le désert sentimental de ma vie est affiché en 120 par 175 dans chaque abribus de la ville? Parce que sérieusement, en quoi des études d’art demandent-elles plus d’investissement que des études de droit ou de médecine. Je passe 15 heures par semaines à vraiment travailler, j’ai connu mieux comme investissement. Je préfère juste sourire à cette remarque désobligeante et pleine de sous entendus.

Le reste de la soirée se déroule gentiment, pas vraiment ce à quoi Carla m’avait habitué mais il faut avouer que la maturité lui va plutôt bien. C’est peut être ça le problème avec les gens maqués, ils deviennent matures, tandis que moi, je reste une grande adolescente.
Je ne danse pas trop, personne à impressionner, je ne bois pas trop, personne ne boit, tout le monde conduit, c’est déprimant, je fume un peu histoire d’avoir un prétexte pour rester discuter sur le palier. J’ai un peu l’impression d’être une figurante dans l’une des soirées de F.R.I.E.N.D.S, l’une de ceux qui sont là pour faire croire qu’ils ont d’autre amis, mais pas assez importante pour avoir le droit de faire autre chose que simuler des pas de danse et des aller-retour autour du buffet.

Je me résigne à ne pas devenir un couple sur les coups de deux heures du matin quand une jolie blonde un peu plus jeune que moi ou du moins son visage de poupée le laissait supposer s’approche de moi avec un petit sourire en coin. Elle se présente et me demande si je suis célibataire. Bien, je pensais que tout le monde était déjà au courant. Enfin, elle se penche vers moi et me chuchote à l’oreille :
« Parce que ma copine là bas, elle est célibataire aussi. »

Ok. Alors non seulement on lit sur mon front que je suis seule et presque désespérée mais en plus j’ai une tête de lesbienne. Sans vouloir offenser personne, se rendre compte qu’on envoie les mauvaises infos aux mauvaises personnes, c’est déprimant. La copine en question, c’est Laure, justement, je trouvais qu’elle me regardait bizarrement… Je l’éconduit gentiment et pense que c’est le moment de partir. Sérieusement, une bise à l’hôtesse et j’enfile mon manteau pour rentrer à la maison sans demander de restes.

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